Cultiver des pommes en appliquant la philosophie biologique

par Av Singh

Une pomme Honeycrisp biologique. Photo de Julia Reekie.

La gestion des ravageurs en production biologique est davantage associée à la prévention qu’à la réaction; les systèmes sont conçus pour prévenir les problèmes. Cela fonctionne bien pour les pomiculteurs qui établissent un verger en partant de zéro. Cependant, plusieurs pomiculteurs ont fait la conversion depuis des systèmes de gestion conventionnels et sont en quelque sorte liés à des décisions de gestion antérieures. Ceci dit, les chercheurs en production biologique appliquent une approche holistique à l’égard des mauvaises herbes, ravageurs et maladies fongiques.

Les mauvaises herbes

Les mauvaises herbes du sol des vergers ne font pas seulement concurrence aux pommiers pour l’eau et les nutriments, mais peuvent aussi être les hôtes des ravageurs. Dans les vergers nouvellement établis, la concurrence des mauvaises herbes peut causer une diminution sévère de la vigueur des arbres, ce qui peut avoir des conséquences à long terme.

Les chercheurs québécois se sont penchés sur les avantages de l’utilisation de paillis faits de feuilles à base de cellulose. Le paillis prévient l’émergence des mauvaises herbes tout en faisant obstacle à l’introduction dans le sol des larves de ravageurs (p.ex. le charançon de la prune et l’hoplocampe du pommier). Les populations de ravageurs peuvent être significativement réduites lorsque leur cycle de vie est rompu.1

À Kentville, en N.-É., la Dre Julia Reekie, chercheuse de la GSB, a exploré les diverses approches pour la gestion du sol des vergers, y incluant l’utilisation de paillis réfléchissants, de compost et d’engrais verts. À ce jour, les résultats montrent que l’utilisation de paillis réfléchissants posés sur une couche de compost contrôle les mauvaises herbes efficacement et promeut tant la croissance de l’arbre que la production fruitière.2

Le puceron rose du pommier

Dans les vergers conventionnels, un insecticide non sélectif est utilisé si les populations de pucerons roses du pommier doivent être traitées. Évidemment, plusieurs insectes bénéfiques peuvent aussi être tués. Dans l’approche en gestion des ravageurs nommée les « multiples petits marteaux », les chercheurs de la GSB en C.-B., dirigés par Linda Edwards, ont considéré le cycle de vie du puceron. Ils ont observé l’importance du plantain comme hôte intermédiaire nécessaire. Les chercheurs disposent donc maintenant de deux cibles pour aider le contrôle – le puceron et son hôte intermédiaire (le plantain).

Pour contrôler les pucerons, le modèle degré-jour de croissance (sensible à la température) est utilisé par Tamara Richardson, étudiante des cycles supérieurs, et d’autres chercheurs de la GSB pour déterminer le meilleur calendrier de pulvérisation des huiles horticoles admises en production biologique (p.ex. une huile d’hiver supérieure).3 Les résultats préliminaires suggèrent que, pour être la plus efficace, l’application doit être faite au printemps après l’éclosion des œufs, mais avant que les larves commencent à se nourrir. Si l’application est faite plus tard, l’enroulement des feuilles qui résulte de l’activité alimentaire des pucerons protégera la larve de l’application de l’huile. Les chercheurs étudient également la migration automnale des pucerons pour optimiser le calendrier d’application de l’automne.

Afin de cibler l’hôte intermédiaire (le plantain), les chercheurs retirent les mauvaises herbes du sol du verger avec un rotoculteur et réensemencent un mélange de graminées. Cela semble diminuer légèrement le nombre de pucerons. Une autre approche consisterait à associer le plantain au symptôme d’un sol compacté et à chercher à altérer la structure du sol  pour rendre les graminées plus compétitives. Les applications de compost peuvent aider à reconstruire la structure du sol et fournir des nutriments au sol du verger. Les applications de compost peuvent favoriser la décomposition de la couverture de feuilles mortes qui, si elles sont laissées au sol, deviennent une source de nutriments qui aide les organismes responsables de la tavelure de la pomme à survivre à l’hiver.

Les maladies

Injection de pommiers. Photo du Centre de recherches de l'Atlantique sur les aliments et l'horticulture.En gestion des maladies, la première étape est de planter des variétés résistantes à la tavelure de la pomme et/ou au feu bactérien. Dans les vergers conventionnels, l’utilisation de fongicides constitue la seconde ligne de défense. Sous régie biologique, la tavelure de la pomme est le plus souvent contrôlée par des pulvérisations de soufre, de polysulfure de calcium ou de bouillie bordelaise (sulfate de cuivre avec chaux). Malheureusement, ces applications doivent être faites après chaque chute de pluie, depuis le débourrement jusqu’à la libération des spores. La toxicité excessive du soufre et/ou cuivre peut endommager les arbres.

La « résistance induite » est une autre approche. L’arbre reçoit une injection, comme un vaccin, qui contient des substances qui stimulent son système immunitaire. Le recours à la résistance induite a été efficace contre la tavelure de la pomme quand les substances stimulatrices de l’immunité, souvent dérivées de microorganismes, sont pulvérisées sur le feuillage.

En se basant sur la notion de résistance induite, Gordon Brown, chercheur de la GSB, poursuit ses recherches sur les injections au tronc. Comparées aux pulvérisations foliaires, les injections requerraient beaucoup moins de matériel, leur application serait plus efficace et l’effet serait prolongé (se référer aux détails aux L'immunologiste des pommiers).

Le secteur de la pomiculture biologique devient mature. Dans la course à la rencontre de la demande forte et rapidement croissante de pommes biologiques, les intrants toxiques externes ont dans un premier temps été remplacés par des intrants externes moins toxiques. Plus récemment, cependant, les visées biologiques qui reposent sur la santé interne de l’arbre et les interconnections avec les écosystèmes sont à la base de la fondation d’un secteur prometteur.

Pour prévenir la maladie de la replantation du pommier, les chercheurs de la GSB recherchent l’aide des microorganismes. Certains types de bactéries du sol aident les gaules à assimiler le phosphore, ce qui favorise le développement des racines. Pour davantage de détails, consultez l’article « Attrape P si tu peux ».

 

Cet article est d’abord paru dans l’édition spéciale Été 2012 du “Canadian Organic Grower” consacrée à la recherche. Cette édition spéciale du TCOG est publiée grâce au soutien de la Grappe scientifique biologique. Les projets de la Grappe scientifique biologique décrits dans cet article ont été financés par Agriculture et Agroalimentaire Canada et la division biologique du British Columbia New Varieties Development Council.

La Grappe scientifique biologique du Canada (GSB) fait partie de l’Initiative de grappes agro-scientifiques canadiennes du cadre stratégique Cultivons l’avenir d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, une initiative fédérale-provinciale-territoriale. La GSB est dirigée par le Centre d’agriculture biologique du Canada et par le demandeur principal de l’industrie, la Fédération biologique du Canada.


Références:

  1. Benoit, DL, C Vincent & G Chouinard. 2006. Management of weeds, apple sawfly (Hoplocampa testudinea Klug) and plum curcuclio (Conotrachelus nenuphar Herbst) with cellulose sheeting. Crop Protection. 25:331–337.
  2. Reekie, J & E Specht. 2012. Orchard floor management affecting the performance of young organic ‘Honeycrisp’ apple trees. Proceedings of the 2012 Canadian Organic Science Conference.
  3. Richardson, TA, AE Brown & L Edwards. 2012. Management strategies for control of the rosy apple aphid, Dysaphis plantaginaea, in organic apple orchards in British Columbia. Proceedings of the 2012 Canadian Organic Science Conference.