Paître des engrais verts

par Stuart McMillan

L’importance des engrais verts pour l’amélioration de la fertilité, le contrôle des mauvaises herbes et la structuration du sol est bien comprise. Cependant, plusieurs agriculteurs, jardiniers et exploitants de ranch biologiques n’utilisent pas encore les engrais verts à leur plein potentiel.

 

L’une des principales barrières à l’utilisation des engrais verts est d’ordre économique – mettre des terres de cultures hors production signifie qu’il n’y aura pas de revenus pour cette période. Dépendamment du type d’engrais vert, de son mode de production et d’incorporation, le producteur peut faire face à des coûts importants. 

Pourquoi les producteurs ne bénéficieraient-ils pas des engrais verts tout en en retirant des avantages économiques? L’une des solutions idéales est d’apparier les engrais verts au pacage des animaux d’élevage. Plusieurs agriculteurs ont contemplé un champ luxuriant de légumineuses et graminées et pensé qu’il serait honteux de l’enfouir dans le sol plutôt que d’y faire paître leurs animaux d’élevage. Leur consolation? Ils nourrissent le sol et les animaux qui y paissent.

Au Manitoba, les chercheurs Harun Cicek et Joanne Thiessen Martens, sous la supervision du Dr Martin Entz, ont examiné divers aspects des pâturages d’engrais verts. Ils ont partagé les résultats avec agriculteurs et scientifiques à la Conférence scientifique canadienne sur l’agriculture biologique de 2012.1,2 Cicek a comparé sept cultures d’engrais verts alors que Thiessen Martens a exploré la valeur de la vesce velue en pâturage.

Les chercheurs ont examiné le potentiel des engrais verts en pâturage (par le mouton), en comparant :

  • Différents types d’engrais verts. La capacité des engrais verts de croître à nouveau après le pâturage est variable.
  •  Le calendrier de pâturage. Le stade du cycle de croissance de l’engrais vert au moment du pâturage affecte la quantité de matière disponible pour le pâturage, la valeur nutritionnelle et la capacité de régénération.
  • L’intensité de pâturage. Elle affecte le niveau de piétinement de l’engrais vert, la quantité qui est mangée et sa capacité de régénération.

Pour les agriculteurs, ces trois composantes ont besoin d’être intégrées en fonction de l’objectif final. Veulent-ils que l’engrais vert soit tué tard en été et faire un labour tôt en automne? Si tel est le cas, ils devraient choisir une culture telle pois/avoine, mise intensivement en pâturage une seule fois. Les chercheurs ont observé que cette stratégie n’engendrait qu’une très faible régénération. Plusieurs plantes étaient piétinées, mais le matériel était entièrement incorporé au sol en fin de saison.

Si l’approvisionnement en fourrage est faible et qu’un gain maximal de poids est visé, le meilleur choix serait de faire paître légèrement mais souvent une culture dotée d’un bon potentiel de régénération, telle que la vesce velue.

Les engrais verts ont des valeurs nutritionnelles et des qualités fourragères variables. Par exemple, le trèfle blanc contient du coumarol; lorsque la plante est abimée ou moisie, le coumarol devient un dicoumarol toxique. Pareillement, il a été observé que la vesce velue cause des problèmes chez les bovins et chevaux, qui semblent liés à la consommation de vesce mûre incluant beaucoup de graines dures matures.

De plus, la sensibilité des divers animaux d’élevage varie à l’égard des composés des plantes. Cicek n’a noté aucun effet négatif chez le mouton Dorper utilisé dans l’expérience. Cependant, il faut toujours être attentif lors de l’introduction de nouveaux aliments aux animaux d’élevage.

Par comparaison à l’incorporation de l’engrais vert, le pâturage a augmenté la disponibilité de l’azote dans les niveaux supérieurs et inférieurs du sol. Cela peut être dû à la disponibilité de l’azote dans l’urine et les déjections animales qui diffère de la disponibilité de l’azote dans les tissus végétaux.

L’année qui a suivi le pâturage des engrais verts, le rendement en céréales a été généralement supérieur en comparaison des champs où les engrais verts étaient enfouis. Les niveaux de matières végétales du sol (MVS) ne variaient pas d’un système à l’autre, bien que l’étude n’ait peut-être pas été assez longue pour permettre la détection de changements graduels des MVS.

La coupe des engrais verts pour le foin ou les ensilages a aussi été étudiée. Les inconvénients liés à cette stratégie sont :

  • les nutriments sont retirés du champ;
  • le fumier et l’urine sont déposés hors champ, et
  • des opérations supplémentaires avec équipement haussent les coûts de labour et les autres coûts financiers.

Les résultats suggèrent que cette stratégie n’est pas idéale, mais qu’elle apporte certains des bénéfices associés aux engrais verts et qu’est certainement meilleure qu’une jachère noire.

Un système d’engrais vert en pâturage a besoin d’être adapté à la ferme et à la région. Il faut compter nombre de nuances. Les habitudes des moutons, bovins et porcs en pâturage sont passablement différentes. L’installation d’abreuvoirs et le temps passé dans un même endroit par les animaux influencent les niveaux d’azote et de phosphore et la localisation des nutriments dans le champ. Les éleveurs d’animaux qui possèdent les équipements pour semer les engrais verts ou les producteurs de céréales cherchant à acquérir des animaux d’élevage doivent considérer que le pâturage des engrais verts peut augmenter les rendements, réduire les coûts des aliments pour le bétail, réduire les émissions de carbone et permet de conserver tous les bénéfices traditionnels des rotations incluant les engrais verts.


Cet article est d’abord paru dans l’édition spéciale Été 2012 du “Canadian Organic Grower” consacrée à la recherche. Cette édition spéciale du TCOG est publiée grâce au soutien de la Grappe scientifique biologique.  

La Grappe scientifique biologique du Canada (GSB) fait partie de l’Initiative de grappes agro-scientifiques canadiennes du cadre stratégique Cultivons l’avenir d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, une initiative fédérale-provinciale-territoriale. La GSB est dirigée par le Centre d’agriculture biologique du Canada et par le demandeur principal de l’industrie, la Fédération biologique du Canada.


Références:

  1. Cicek, H, MH Entz, JR Thiessen Martens & K Bamford. 2012. Investigating
    soil NO3 and plant N uptake when green manures are grazed. Proceedings of 2012 Canadian Organic Science Conference.
  2. Thiessen Martens, JR & MH Entz. 2012. Exploring the unique role of
    hairy vetch in grazed green manure systems. Proceedings of 2012 Canadian Organic Science Conference.