Critères de choix d’un milieu de culture biologique

Centre d'agriculture biologique du Canada

Trouver un mélange de terre ou « terreau » parfait et reproductible pour la production en contenants demeure la quête de la plupart des serriculteurs biologiques. La norme biologique canadienne (CAN/CGSB 32.310) est claire sur le fait que les milieux de culture hydroponique et aéroponique sont interdits et qu’un « sol » est requis. Elle définit le sol comme suit : « mélange de minéraux, de matière organique et d’organismes vivants ».

Les producteurs « conventionnels » (non biologiques) sont également concernés par la recherche de milieux de culture rentables et respectueux de l'environnement. Leurs options habituelles sont la laine de roche (roche chauffée, filée puis assemblée en plaques fibreuses) et la tourbe. Les deux substrats, « fertigués » (c.‑à‑d. irrigués et fertilisés) avec une solution de nutriments, donnent de bons résultats, mais ils font l’objet de critiques.

La tourbe doit être remplacée à chaque cycle de production et la norme de l’industrie veut que la laine de roche soit changée tous les trois ans. La laine de roche n'est pas permise dans les systèmes biologiques, car elle ne constitue pas un sol au sens de la norme. De plus, elle ne se décompose pas et n'est pas recyclable; son élimination est donc onéreuse. La tourbe est permise par la norme biologique, mais utilisée seule comme milieu de culture, elle ne répond pas à la définition d'un sol. De plus, la durabilité de la ressource est contestée.

L’Association Tourbe de Sphaigne Canadienne affirme que moins de 0,1 % des tourbières sont exploitées chaque année et qu’elles ont le temps de se régénérer avant la récolte suivante. Les détracteurs de la tourbe admettent qu’elle se reconstitue, au moins en partie, mais ils estiment que des dommages irréparables sont infligés aux tourbières. Ils font en outre remarquer que les meilleures méthodes de récolte n’empêchent pas un regain d'activité bactérienne, qui produit un supplément de gaz à effet de serre.

De nouveaux substrats écologiques seraient certainement bien accueillis! Or des études montrent que le compost offre une solution : renouvelable, disponible localement et généralement moins cher que les autres substrats, il renferme des nutriments biodisponibles et selon ses caractéristiques, il peut également combattre diverses maladies racinaires, voire stimuler la croissance des plantes en présence de rhizobactéries PGPR (plant growth promoting rhizobacterium).

Les maladies causées par les agents pathogènes qui s’attaquent aux racines et peuvent être maîtrisés grâce à l'apport de compost incluent les flétrissures (causées par diverses souches de Fusarium oxysporum), le flétrissement bactérien de la tomate (causé par la sous‑espèce michiganensis de Clavibacter michiganensis), la fonte ou brûlure de semis (Rhizoctonia solani ou Pythium ultimum) et le pourridié (Phytophthora cinnamomi, Cylindrocladium spathiphylli ou Pythium ultimum). Les populations de nématodes indésirables tel Meloidogyne javanica peuvent également être contenues par le compost. 

Le mode d’action du compost dépend de l’agent pathogène considéré. Lorsque les effectifs de microorganismes « amis » sont supérieurs à ceux de Pythium et Phytophthora, par exemple, ils concurrencent ces derniers et les empêchent d'infecter les racines des plantes. Rhizoctonia, bactérie colonisatrice de la matière organique fraîche, ne survit pas dans les substrats très riches en Trichoderma harzianum après un compostage poussé.Des produits d’inoculation par Trichoderma sont d’ailleurs commercialisés.

Les capacités phytosanitaires du compost de mauvaise qualité sont inférieures à celles du compost de qualité. Les ingrédients initiaux du compost sont déterminants. L’écorce de feuillus, par exemple, présente les meilleures propriétés de lutte contre les maladies, mais elle ne peut constituer que 15 % du volume d’un terreau. L’écorce de pin compostée, en revanche, peut occuper 65 à 100 % du volume. Les résidus de jardin compostés ne devraient pas occuper plus de 15 à 25 % du volume et les fumiers compostés, pas plus de 15 %. Si le choix de la mousse de tourbe s’avère pratique, il faut néanmoins utiliser une tourbe légère et constituée de longues fibres pour réduire le risque de compaction. Une analyse du mélange terreux final est nécessaire pour connaître ses propriétés physiques, telles que l’espace aéré et la capacité de rétention d'eau. En effet, l’air devrait occuper au moins 20 % du volume du terreau pour la plupart des cultures et plus de 25 %, pour les cultures vulnérables au pourridié.

Il est essentiel de surveiller et de retourner les tas de compost pendant la phase thermophile du compostage et de ménager une période de maturation suffisante. Une telle période de maturation laisse le temps aux espèces bactériennes « amies » (Bacillus, Flavobacterium, Streptomyces, Gliocladium catenulatum, Pseudomonas putida, Trichoderma atroviride, harzianum, etc.) de recoloniser le tas.L’extérieur du tas doit en outre rester humide pour que les « bonnes » bactéries apportées par l’air amorcent la recolonisation.Les tas de compost humides en bordure de forêt se repeuplent plus rapidement que les tas éloignés.

Le compost de qualité remplace avantageusement la mousse de tourbe et la laine de roche dans la composition de terreaux rentables et écologiques. Adéquatement préparé, le compost peut éliminer de nombreux pathogènes racinaires.

Des chercheurs suggèrent que l’utilisation de certaines matières plutôt que d'autres pour fabriquer un compost ayant des propriétés particulières serait profitable. Si un producteur redoute la pourriture blanche de l’ail, par exemple, un compost à base de résidus d’oignons pourrait être envisagé pour son effet phytosanitaire probable. 


Cet article a été rédigé par Rochelle Eisen pour le CABC grâce au soutien financier de la Grappe scientifique biologique du Canada (une partie de l’Initiative de grappes agro-scientifiques canadiennes du Cadre stratégique Cultivons l’avenir d’Agriculture et agroalimentaire Canada. La Grappe scientifique biologique est le fruit du travail de coopération accompli conjointement par le
CABC, la Fédération biologique du Canada et les partenaires de l’industrie.