AAC : des nouvelles fraîches de la fruiticulture biologique en Colombie‑Britannique

Centre d'agriculture biologique du Canada

Tous les producteurs biologiques savent qu’un délicieux fruit biologique contient malgré tout des pesticides. Il demeure cependant le produit d’une agriculture fondamentalement différente de l’agriculture non biologique ou « conventionnelle ». Or l’un des piliers de la production biologique est la préservation des sols, qui assurent en retour la nutrition et la protection de plantes saines.

La demande de fruits biologiques produits localement et de manière durable augmentant toujours en Colombie-Britannique (C.‑B.), des chercheurs d’Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) des centres de Summerland et d’Agassiz travaillent d’arrache-pied à comprendre et améliorer les interactions sol‑cultures de fruits biologiques. Les docteurs Gerry Neilsen, Denise Neilsen et Tom Forge s’intéressent en effet à l’utilisation de matières organiques en tant que sources de nutriments pour trois cultures fruitières vivaces importantes en C.‑B., soit la culture des pommes (pomiculture), des bleuets et des framboises. Les pommes sont surtout produites dans la vallée de l’Okanagan, à l’intérieur de la C.‑B., où les terres sont plus sèches que dans la vallée côtière du Fraser, plus humide et propice à la culture de bleuets et de framboises.

En agriculture conventionnelle, les producteurs peuvent épandre, entre autres nutriments, des quantités prédéterminées d’azote (N) lorsque leurs cultures en ont le plus besoin. En agriculture biologique, les nutriments sont libérés lentement par la matière organique, qui est décomposée par les organismes du sol. La matière organique du sol influe également sur la structure, l'aération, la rétention d'eau et les populations d'organismes du sol qui, à leur tour, ont un impact sur la croissance et la capacité des racines à absorber les nutriments.

Pour accroître la fertilité du sol, les agriculteurs biologiques peuvent enrichir la terre avec du fumier, du compost ou d’autres matières organiques, des cultures de couverture et des matières inorganiques non raffinées, comme la roche phosphatée. Mais dans le cas de cultures fruitières vivaces bien établies, les amendements ne peuvent être appliqués qu’à la surface du sol, en paillis, ce qui constitue une difficulté supplémentaire. L’humidité et l’activité des organismes du sol (microorganismes telles les bactéries et les moisissures, nématodes et petits arthropodes de la microfaune et vers de terre de la macrofaune) sont nécessaires à la libération des nutriments et à leur transfert vers les racines des plantes. La fertilisation des cultures fruitières biologiques est une science!

Dans une étude portant sur la gestion de sols en pomiculture biologique, Gerry Neilsen s’est penché sur l'effet des paillis sur la fertilité des sols de pommeraie. Il a comparé l’association fumier de volaille composté‑labour‑paillis d’écorce, ou tissu paysager en polyéthylène, à une culture de couverture à « faucher et souffler » (mow and blow), qui consiste à faire pousser de la luzerne entre les arbres et à disperser les résidus de fauche dans les rangées. Les paillis ont eu un effet sur les teneurs en nutriments dans le sol et les feuilles. Les premiers résultats suggèrent que le paillis d’écorce réduirait le rendement.

D’autres études pomicoles à long terme ont permis de comparer des paillis de compost, de papier filamenté et de papier pulvérisable, du foin de luzerne, un tissu en polyéthylène et des cultures de couverture jouant le rôle de « paillis vivant » (trèfle rampant nain, mélilot, vesce velue et ray‑grass annuel). Les cultures de couverture ont réduit la croissance et le rendement des pommiers, mais les autres paillis ont eu un effet plutôt bénéfique. Les teneurs en nutriments dans le sol et leur renouvellement par les microorganismes ont augmenté avec les paillis, ainsi que l'absorption de phosphore et de potassium par les plantes, probablement grâce à la rétention de l'humidité du sol et la croissance accrue des racines.
 
Les bleuets sont généralement cultivés avec un paillis de sciure de bois, qui contribue à maintenir l’humidité et l’acidité à des niveaux qui conviennent aux arbustes, mais n’évite pas l'apport de grandes quantités de fertilisant azoté. « Nous espérions trouver un paillis de compost qui aurait réuni les propriétés de la sciure et aurait apporté de l’azote. « Les composts à base de fumier ont habituellement des pH trop élevés et contiennent trop de minéraux pour les bleuets, par conséquent nous avons essayé le compost de résidus de jardinage », explique le docteur Forge. Dans l’une des études, après trois ans d’application de compost, aucune différence de rendement n’a été constatée par rapport à l’association sciure‑fertilisant.

Une étude en cours, menée en collaboration avec l'Université de la Colombie‑Britannique, se propose d'analyser la faisabilité de l'usage de composts et de paillis de sciure associé à des suppléments d’azote d’origine organique (c.‑à‑d. provenant de sources telles que la luzerne fauchée et soufflée, la farine de plumes ou le fumier de volaille composté). 

Des inquiétudes quant à la sécurité des consommateurs ont entraîné l’abandon du fumier comme fertilisant des framboiseraies. Ainsi, Tom Forge cherche aussi à remplacer les engrais inorganiques par du compost dans les cultures de framboises. Le projet a donné des résultats prometteurs : après trois ans de comparaison de composts et d’engrais courants, les récoltes se sont avérées meilleures dans les parcelles enrichies de compost.

Jusqu’à présent, les résultats semblent également bons en ce qui a trait à la préservation de sols sains et riches en nutriments nécessaires à la fruiticulture biologique en C.‑B. Les paillis améliorent la qualité des sols, en plus d’apporter des suppléments nutritifs. Cependant, le docteur Neilsen prévient que « le défi qui consiste à comprendre la disponibilité de l’azote pour divers amendements organiques reste encore à relever ». Avec ses collaborateurs, il poursuit ses recherches relatives aux effets des amendements organiques sur la fertilité des sols.


Cet article a été rédigé par Andrea Muehlchen pour le CABC grâce au soutien financier de la Grappe scientifique biologique du Canada (une partie de l’Initiative de grappes agro-scientifiques canadiennes du Cadre stratégique Cultivons l’avenir d’Agriculture et agroalimentaire Canada. La Grappe scientifique biologique est le fruit du travail de coopération accompli conjointement par le
CABC, la Fédération biologique du Canada et les partenaires de l’industrie.