Incidence de l’agriculture biologique sur l’environnement : une perspective canadienne

Centre d'agriculture biologique du Canada

Plusieurs Canadiens feront valoir que les avantages considérables de l’agriculture biologique pour l’environnement en font un système plus responsable sur les plans écologique et social que sa contrepartie conventionnelle. Malheureusement, du moins en Amérique du Nord, très peu de recherches concluantes viennent étayer ces revendications. Traditionnellement, dans leur quête d’études complètes faisant autorité, les chercheurs nord-américains tout comme les défendeurs du biologique se sont tournés vers l’Europe, où la majeure partie de la recherche sur l’agriculture biologique a été réalisée. Chose assez curieuse, malgré leurs incidences bienfaisantes, ces études européennes sont dépourvues d’exploitants et d’agriculteurs biologiques canadiens et ont tendance à ne pas influencer les décideurs des politiques agricoles canadiennes.

En réponse et dans le but d’encourager d’autres recherches et d’influer sur les politiques, le Dr Derek Lynch, chaire de recherche du Canada en agriculture biologique du Collège d'agriculture de la Nouvelle-Écosse, a publié un document, Incidence de l’agriculture biologique sur l’environnement : une perspective canadienne, qui dépouille les récents travaux de recherche nord-américains et canadiens sur l’agriculture biologique, particulièrement ceux qui se rapportent aux principes de la norme biologique du Canada. Compte tenu du Sommet sur les changements climatiques qui a récemment eu lieu à Copenhague et des pressions de la communauté mondiale visant à réduire les émissions de CO2, les parties du document de Lynch qui rapprochent l’utilisation de l’énergie et les émissions de gaz à effet de serre sur l’agriculture biologique et conventionnelle sont d’un intérêt particulier.

Plusieurs pratiques de gestion biologique utilisées à des fins de fertilité, particulièrement le travail du sol pour le désherbage et la rotation des légumineuses, ont été critiquées pour leur consommation d’énergie et les émissions de CO2  qu’elles produisent. Dans le but de valider ou de réfuter les critiques qui s’accentuaient,  Lynch a assemblé les études qui traitent du bilan net d’énergie comparatif des systèmes de gestion biologique au Canada et en Amérique du Nord. Les trois études portant sur l’utilisation de l’énergie examinée dans le document ont conclu que la consommation d’énergie des exploitations agricoles biologiques était moindre que celle des exploitations conventionnelles.

Lynch cite une étude vieille de douze ans, menée au Manitoba, qui porte sur deux rotations de cultures de grain et de fourrage, faisant l’objet d’une gestion biologique ou conventionnelle. Après la compilation et la comparaison des données, y compris le rendement des cultures, les intrants des cultures, l’utilisation du carburant et la machinerie agricole, l’étude a conclu que la consommation d’énergie était de 50 % inférieure et l’efficacité énergétique était supérieure dans les systèmes de gestion biologique comparativement aux systèmes de gestion conventionnelle. Une étude similaire réalisée dans l’État du Washington, qui compare la pomiculture biologique et conventionnelle, révèle que le système biologique utilisait 9 % moins d’intrants énergétiques et affichait une efficacité énergétique de 7 % supérieure à celle du verger faisant l’objet d’une gestion conventionnelle. Enfin, Lynch présente une étude menée de 1981 à 2002 qui compare les entrants énergétiques pour des systèmes de culture biologique et conventionnelle de maïs et de soja. L’étude révèle que les intrants d’énergie fossile étaient en moyenne 30 % inférieurs dans les systèmes biologiques que les systèmes conventionnels.

Lynch analyse ensuite les études qui comparent les émissions de gaz à effet de serre dans les exploitations biologiques et conventionnelles. Il admet que, bien qu’elle soit relativement rare et encore au stade embryonnaire, la recherche accessible est « intrigante » et mérite certes un examen plus approfondi.

Une étude digne de mention, menée dans un système de pomiculture dans l’État du Washington, révèle qu’après neuf ans, le sol du verger biologique contenait non seulement plus de matières organiques du sol et hébergeait une plus grande activité microbienne, mais qu’il affichait également une dénitrification plus importante et plus efficace que les vergers conventionnels. Ces organismes nitrifiants rendent un service précieux à l’écosystème en convertissant les excès de nitrates en N2, une forme moins réactive.

Une autre étude importante, réalisée dans le Canada atlantique, examine l’effet des cultures, le moment pour choisir le labour des plantes fourragères et le régime de fertilité de la pomme de terre (précédant la culture avec ou sans ajout d'un engrais azoté inorganique) sur les émissions d'oxyde nitreux (N2O). Bien que l’étude n’en soit qu’à ses débuts, les résultats préliminaires indiquent que les cultures de pomme de terre et de plantes fourragères qui dépendent de sources d'émission d'azote biologique (légumineuse ou fumier animal) émettent moins d'oxyde nitreux que les cultures enrichies d’engrais inorganiques.

Citant une étude réalisée par MacRae et autres (2007), Derek Lynch constate que si le coût réel de la production alimentaire devait comprendre le coût sur l’environnement, les denrées biologiques et les systèmes agricoles exigeraient une plus grande présence tant sur le marché que dans l’arène agropolitique canadienne. Malheureusement, les attributs de l’agriculture biologique ont été particulièrement absents de l’ordre du jour politique fédéral, en dépit du fait que les « coûts » comme les changements climatiques auront une incidence directe et défavorable sur notre industrie agricole. Le document de Lynch, qu’il admet être loin d'être exhaustif, est la première étape déterminante dans le rassemblement de l’information et des données probantes nécessaires pour convaincre les décideurs canadiens des avantages environnementaux et écologiques indéniables du système biologique canadien.


Cet article a été rédigé par Tanya Brouwers pour le CABC grâce au soutien financier de la Grappe scientifique biologique du Canada (une partie de l’Initiative de grappes agro-scientifiques canadiennes du Cadre stratégique Cultivons l’avenir d’Agriculture et agroalimentaire Canada. La Grappe scientifique biologique est le fruit du travail de coopération accompli conjointement par le
CABC, la Fédération biologique du Canada et les partenaires de l’industrie.

Le présent  article constitue la partie 1 d’une série fondée sur la communication scientifique de 2009 de Derek Lynch, Incidence de l’agriculture biologique sur l’environnement : une perspective canadienne. Cliquez ici pour consulter les parties 2, 3 et 4.